Je ne suis pas Günter Grass, l’écrivain allemand, Prix Nobel de littérature, qui s’est fait incendier pour avoir publié un poème en prose « Ce qui doit être dit » dans lequel il dénonce la menace de frappes israéliennes contre les installations nucléaires iraniennes. Cela est une autre histoire. Mais je dois avouer qu’à propos de la situation politique qui prévaut au Mali- qui est en passe de raser l’insupportable-, il reste encore beaucoup de choses à dire. Beaucoup de choses à crier, à décrier voire à hurler.
Commençons par les législatives, un sujet dont tous ou presque se soucient comme d’une guigne. Après le premier tour, que dire de ces législatives sinon qu’elles ont été un rendez-vous que les Maliens n’ont pas voulu honorer, à la différence de la présidentielle dont tous se sont accordés à dire qu’elle a été une réussite. Outre le fait qu’au Mali, comme partout sur le continent, les électeurs accordent peu d’importance au choix des députés, il n’en demeure pas moins vrai que les alliances nouées pour ces élections ont désabusé plus d’un. Comme l’a si bien relevé l’éditorialiste Saouti Haïdara :
« Quand le RPM, qui a porté IBK au pouvoir, s’allie avec l’URD de Soumaïla Cissé-qui a annoncé son ancrage dans l’opposition-pour élire le candidat de l’un ou l’autre parti à l’hémicycle, quel contre-pouvoir peut-on espérer voir naître et s’affermir dans ce pays ? Déjà l’on évoque avec sérieux dans certains milieux l’hypothèse que Soumaïla Cissé pourrait être le futur président de l’Assemblée nationale… »
Et il est allé jusqu’à parler d’un « vote protestataire ».
Vote protestataire ou pas, le moins que l’on puisse dire, c’est que de Bamako à Gao le peuple commence à être à cran. Les esprits s’échauffent contre un pouvoir qui, 3 mois après, fait du surplace, surtout sur le dossier le plus brûlant du moment : Kidal.
Mais au milieu de ce concert de colères et d’indignations à propos de Kidal, il y a eu un coup de pistolet : la convocation à la justice du désormais général Amadou Haya Sanogo et son refus de se présenter devant le juge d’instruction. Une affaire qui est devenue un serpent de mer, et qui en est même arrivée à empoisonner la presse. Et cette affaire risque de précipiter le président Keïta dans un guêpier, ce qui portera un coup d’épée à sa réputation d’homme à poigne, incorruptible et intraitable. Plus Sanogo s’entête dans son refus de se présenter devant le juge d’instruction, plus les gazettes nous servent des articles, souvent soporifiques sur une affaire qui, pour reprendre Ahmadou Kourouma dans Allah n’est pas obligé… « ne vaut même pas le pet d’une grand-mère », tant il est parfaitement évident qu’elle a donné la preuve que, contrairement à ce que raconte IBK dans ses discours, au Mali il y a bel et bien une personne qui est au-dessus de la loi : son nom est Sanogo. Cela est désormais clair pour tout le monde. Alors, si les confrères ne veulent pas renoncer à tarir leur encre et leur salive pour cette affaire énervante, qu’ils nous laissent de grâce à nos ananas ! Parce qu’il y a d’autres choses plus importantes à dire.
Parfois, je ne peux m’empêcher de demander si Sanogo n’a pas été jeté en pâture à une opinion nationale révoltée par la situation à Kidal. Ou bien s’il n’est pas, comme me l’a écrit de Paris hier une amie chroniqueuse, l’arbre qui cache la forêt.
« Ça veut dire qu’on s’occupe d’une chose alors qu’il y a une multitude d’autres problèmes, m’a-t-elle écrit. Sanogo est un arbre gênant, mais la forêt de choses graves que sont Kidal, la potentielle partition du pays, la non-reprise des négociations de Ouaga, l’impunité, la levée des mandats d’arrêt, le fait que les bandits se présentent aux élections, etc., etc. »
Et voilà ce qui doit être dit, et redit à un peuple qui continue de s’en remettre à Dieu et au pouvoir en place. Ce qui doit être dit, c’est que les Maliens ne doivent pas perdre de vue l’essentiel. Et l’essentiel, c’est Kidal, surtout quand on sait que les groupes rebelles touaregs dont c’est le fief, y ont empêché la tenue des législatives. Preuve que le chemin à faire est long, très long et que rien n’est encore joué. C’est ce qui doit être dit.
Boubacar Sangaré