Alors que tous ou presque, du moins les soutiens du candidat Ibrahim Boubacar Keïta, pariaient sur un seul tour dans ce scrutin présidentiel, un second tour, prévu le dimanche 11 août, opposera finalement I.B.K et Soumaïla Cissé de l’U.R.D.
IBK et Soumaïla Cissé (photo crédit: AFP/Seyllou-Georges Gobet)
Le Rassemblement Pour le Mali (R.P.M) est monté en force. Son candidat, Ibrahim Boubacar Keïta (I.B.K), a été donné vainqueur au premier tour de ce scrutin avec 39,24% des voix. Soumaïla Cissé de l’U.R.D obtient 19,44%, suivi de Dramane Dembélé de l’Alliance Démocratique pour le Mali-PASJ, la plus importante formation politique du pays, qui engrange 9,59%.
Enfin, la participation a atteint 51,54%, un record par rapport aux précédents scrutins.
Dramane Dembéle, ADEMA-PASJ (photo-credit: www.ademakoulikoro.org)
D’ores et déjà, il est possible de livrer quelques enseignements. Cette élection, comme il fallait s’y attendre, a été une sanction. Sanction contre les grandes formations qui ont été proches de l’ex-président Amadou Toumani Touré. Sinon comment expliquer le score (9,59%) d’un parti comme l’ADEMA-PASJ qui, faut-il le rappeler, est le mieux implanté, même dans les trous perdus du pays. Pour mémoire, l’ADEMA-PASJ a remporté les premières élections démocratiques, en 1992, qui ont conduit Alpha Oumar Konaré au pouvoir, et n’est pas étranger à la victoire en 2002 du candidat indépendant Amadou Toumani Touré. Ce vote prouve donc qu’il y a un divorce entre l’ADEMA et une immense majorité de son électorat qu’il a dû mécontenter par les troubles internes, la gestion problématique des ministres et autres cadres issus du parti, la défection in extremis de certains ténors … Et il est impossible de ne pas dire que l’arrivée à la troisième place de Dramane Dembélé relève aussi d’une mini-surprise.
Aussi, on ne peut pas ne pas livrer ce constat qui est que, à propos de la victoire du R.P.M, les électeurs n’ont pas voté pour le parti, mais plutôt pour Ibrahim Boubacar Keïta, en qui ils voient un homme intègre, incorruptible, autoritaire, et dont ils pensent qu’il est en capacité de redresser ce pays fragilisé par une crise sécuritaire et institutionnelle. Il ne fait aucun doute que son passage à la primature (1994-2000) n’a pas manqué de laisser des traces dans les esprits et les cœurs, surtout la fermeté avec laquelle il a su contenir le grondement estudiantin et scolaire en 1994. C’est donc une victoire que le parti R.P.M doit beaucoup plus à la personnalité de son candidat qu’à son audience ou à un programme politique.
Un premier tour réussi
Avant le scrutin, beaucoup de sensibilisations destinées à pousser les Maliens à aller voter, ont été faites. Avec un taux officiel de participation de 51,3%, ce scrutin est sans précédent, et les maliens ont démenti bien des observateurs et commentateurs de l’actualité, étrangers compris, qui craignaient une faible participation. Cela prouve que les Maliens ont été au rendez-vous de ce rendez-vous électoral qui a pour finalité l’élection de leur président. Et il serait bien venu de saluer ce changement opéré dans la mentalité de l’homme malien qui, au final, vient de démontrer qu’il veut se dégager de son rôle de spectateur.
Plus important encore, c’est que ceux qui ont promis le sang, à la proclamation des résultats, sont restés sur leur faim et devront attendre encore et encore. Parce que, pour qui connait les Maliens, il n’est pas besoin de dire que c’est un peuple qui éprouve de l’antipathie pour la violence. Pour s’en convaincre, il suffit de se demander comment les Maliens, qui se repartissent entre diverses ethnies parlant plusieurs langues, parviennent-ils à vivre dans la cohésion sans les clashs si courants en d’autres pays de l’Afrique.
La position inconfortable de l’U.R.D
L’Union pour la République et la Démocratie (U.R.D), dont le leader est Soumaïla Cissé, a partagé le gros de l’électorat avec le R.P.M, et obtenu 19,44%. Mais entre 39,24% et 19,44%, le fossé est bien grand. Et on voit sans mal que le camp de Soumaïla Cissé se trouve dans une position inconfortable, surtout quand on sait que leur candidat a été battu dans les régions comme Kayes, Sikasso et Bamako, considérées comme des greniers électoraux. On imagine mal comment il parviendra à renverser la tendance dans ces zones.
Bien sûr, les sorties fracassantes de certains membres du comité de campagne de Soumaïla Cissé relèvent plus d’une réaction passionnée que raisonnée. En effet, lorsque le ministre de l’administration territoriale, Moussa Sinko Coulibaly, s’est aventuré sur le terrain des commentaires en pariant sur l’improbabilité d’un second tour, le camp des « soumistes » l’a accusé de vouloir faire « un hold-up électoral » et d’avoir dit ce qui « n’est pas proche de la vérité »
Le second tour est fixé au 11 août. Et déjà, les tractations entre les candidats ont démarré et déboucheront sur des alliances.
Boubacar Sangaré