Il y a quelques mois, Fanney Pigeaud, auteure de Au Cameroun de Paul Biya, était au cœur d’une polémique. Son livre dérangeait. Dans la presse camerounaise, dans la blogosphère, sur les réseaux sociaux, les critiques, bonnes comme mauvaises, pleuvaient sur cette ancienne correspondante de journaux français (AFP, Libération).
Pourtant, « qu’on le veuille ou non, Fanny Pigeaud dépeint une réalité que nous vivons tous les jours. Gabegie, trafic d’influence, corruption, le tout dans un contexte général de pauvreté à la limite du supportable. Le drame dans l’histoire de ce pays est que l’anormal est tellement passé dans les us locaux qu’il ne saute plus aux yeux », avait écrit sur son blog l’écrivain et blogueur camerounais Florian N’gimbis.
D’aucuns, surtout les simplistes, se demanderont quel est le rapport avec le Mali. Simplement parce que tout ce bruit autour d’un tel livre appelle un constat et non des moindres: du Cameroun au Mali via le Togo, dans toutes les républiques bananières, celui qui écrit sur la réalité, la dure réalité, est logé à la même enseigne que l’auteur d’un crime de lèse-majesté. Et s’il a un peu de chance, on va ressortir contre lui toute la poubelle de l’accusation de complot, d’avoir été stipendié…
Dans nos pays, où tous les symptômes de la décadence sont réunis comme au dernier siècle de l’empire romain ; où les dirigeants sont infectés par le virus de l’hubris et se rêvent Crésus, où la réalité et la pensée sont uniques, ceux qui ont les leviers du pouvoir « conchient » ceux qui osent sortir de leur « norme ». La « norme » unique. Elle est comme une voie à sens unique. Et dans cette uniformité ambiante, le peuple, ce bébé qui ne grandit jamais, finit par accepter, trouver les choses normales même dans leur anormalité. Un peuple méprisé, maintenu sciemment dans l’ignorance, à l’esprit sclérosé et gonflé comme un ballon à l’hélium de culte de la personnalité, de vénération, de considérations et croyances bidon. Il devient bigot, c’est tout. Passif spectateur, mais jamais acteur. Alors, il est complice. Complice de sa situation, de sa condition de peuple enfumé.
Au Mali, on en est à ce stade. Il faut le dire. Le désenchantement ambiant, auquel on assiste, est le signe qu’IBK a confirmé les pronostics faits par ses contempteurs. Au Mali d’IBK, les seuls faits d’arme du régime sont son assise clanique qu’on ne finit pas de dénoncer, ses ministres ou autres agents de l’Etat- voleurs de la société- qui fraudent, corrompent dans l’exécution d’un marché de matériels militaires et d’équipements de l’armée. Le Mali d’IBK est le pays où quatre sinistres terroristes sont échangés contre un otage français dont on dit qu’il était un espion. Et pour s’expliquer, le président choisit les antennes d’une radio étrangère, preuve du mépris qu’il a pour la presse nationale.
Le Mali d’IBK est celui où il y a toujours des zones d’ombres quant à l’achat du jet présidentiel. Un pays où un ministre se permet de mentir de manière effrontée sans se faire rappeler à l’ordre. Un pays dont la saleté qui défigure la capitale est la vitrine.
Boubacar Sangaré
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